L’autisme fut-il un facteur dans mon divorce?

Non, et oui. C’est une question complexe pour laquelle les deux réponses sont correctes.

J’ai toujours soutenu que mon autisme n’a pas été la cause de mon divorce. Ceci est vrai, du fait qu’aucun de nous deux savaient que j’étais autiste. Ceci est une chose que j’ai réalisée après le divorce. D’un autre côté, je suis encore en train de faire Ma Grande Réflexion. Dans le cours de cette réflexion, je réévalue les événements qui sont arrivés plus tôt dans ma vie. Je me dois avouer que certains traits autistiques ont causé de la friction entre mon ex-épouse et moi, et très probablement menèrent mon ex-épouse à vouloir le divorce.

L’un des problèmes dans notre relation est qu’elle voulait me faire faire quelque chose qui pour moi s’avérait être de la télépathie.

Je peux vous donner un exemple. Des fois, plusieurs années après le fait, elle me blâmait pour avoir failli à lire les regards fâchés sur la figure des gens. Une fois, il y a des années de ça, elle avait fait un repas pour moi, mais elle a fait une erreur, et le repas était immangeable. Je n’ai pas fait un mystère du fait que je ne pouvais pas le manger, et j’ai jeté le repas dans la poubelle. Elle m’aurait apparemment lancé un regard fâché dès que j’ai fait ça, et les gens qu’on avait reçus dans notre maison ont fait de même.

Je ne me rappelle pas du tout des regards fâchés.

Je ne suis pas certain de ce que j’aurais dû faire. Prétendre et manger la bouffe? C’était immangeable. Je ne l’ai pas grondée. J’ai seulement goûté la bouffe, je l’ai trouvée immangeable, et je l’ai jeté dans la poubelle. C’est tout.

C’était une histoire qu’elle aimait ressasser quand on avait des disputes. Elle me disait que j’oubliais, et je lui disais qu’elle inventait. (Nous n’étions ni l’un ni l’autre très gentils envers l’autre quand nous étions au milieu d’une dispute.) En fait, nous n’avions pas raison ni l’un ni l’autre. Elle se rappelait les regards fâchés parce qu’elle était capable de les détecter. Je ne m’en rappelais pas parce que je n’étais pas capable de les détecter. Je ne pouvais pas les oublier parce que ces regards n’étaient même pas remarqués par moi.

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L’exemple que je donne ci-haut n’est qu’un exemple. Nous avions eu beaucoup de disputes dans lesquelles mon ex-épouse disait qu’elle m’avait lancé un regard furieux et que j’aurais dû comprendre par son regard qu’elle était furieuse. Moi, par contre, je ne voyais pas ce regard. Ma réaction a été de lui demander d’être explicite avec moi. Je lui ai dit que je ne peux me fier aux regards pour connaître son état d’esprit, mais elle n’a jamais été capable. Elle me disait avoir été élevée dans une atmosphère où elle ne pouvait pas parler. Peut-être était-ce vrai. Elle avait 20 ans de plus que moi.

Remarquez que nous croyons tous deux que j’étais neurotypique. Donc, pour elle, j’ignorais son regard de façon délibérée. Je voyais son regard, je l’enregistrais, et, au bout du compte, je décidais de ne pas réagir. Mais, ce qui se passait vraiment est que je ne voyais pas du tout ce regard, et le processus s’arrêtait là. Je ne me rendais jamais à l’étape de la décision.

Un autre point d’achoppement était la propreté de notre maison. Elle avait une tolérance plus base face à une maison désordonnée. C’était très drôle. Je ne dirais pas que sa tolérance était basse, tout court, mais elle était plus basse que la mienne. Remarquez que ma tolérance n’est pas telle que vous vous retrouveriez à patauger dans des tas de déchets. Je vais vous donner un exemple concret de la friction que ça causait entre nous deux.

Des fois, la poubelle dans notre cuisine sentait mauvais. Mon ex-épouse le sentait, mais pas moi. Je pouvais ouvrir et fermer la porte sur cette poubelle 10 fois et ne pas noter l’odeur. Elle, elle notait cette odeur à chaque fois. Donc, à un moment donné, elle me grondait pour avoir décidé de ne pas avoir vidé la poubelle malgré la puanteur. Oui, mon ex-épouse gagne contre moi dans sa puissance olfactive. De son point de vue, j’ignorais délibérément la puanteur. Je sentais cette puanteur, je l’enregistrais comme une puanteur, et, au bout du compte, je décidais de ne pas réagir. Mais, en fait, ce qui se passait réellement était que je ne sentais même pas cette puanteur. La chaîne s’arrêtait là.

Nous avons eu quelques discussions dans lesquelles je lui expliquais que ce qu’elle avait attribué à une décision de ma part n’était même pas arrivé à l’étape de prendre une décision parce que je ne me rendais même pas compte de ce qui la troublait. Je pourrais aussi mentionner le nettoyage de la cuvette de toilette, la litière des chats qui sentait mauvaise, etc. Dans tous ces cas, la solution n’était pas de grogner face à ce que j’ai fait ou pas fait, mais d’être explicite avec moi: “sors les vidanges,” etc.

Je me suis demandé ailleurs comment nous avons néanmoins réussi à rester ensemble pour plus de 20 ans, et j’ai émis l’hypothèse que peut-être la grande quantité de temps que nous avions passée séparés durant notre mariage avait aidé. Je deviens de plus en plus convaincu que cette réponse est la bonne. Quand j’étais au loin d’elle, elle n’avait pas à se chamailler avec un autiste. Quand nous étions ensemble, elle devait le faire.


Quelqu’un a suggéré que mon ex-épouse m’abusait. Je suis agnostique sur ce sujet, pour le moment. Par contre, si elle m’abusait, c’était de façon involontaire. Ni l’un, ni l’autre ne savait que j’étais autiste, et mon ex-épouse est neuroatypique aussi, étant donné qu’elle a un TDAH. Je crois qu’il y a une grande différence entre l’abus involontaire auquel elle m’aurait soumis, et l’abus volontaire que certaines personnes infligent à l’encontre de leurs partenaires. Elle ne savait pas comment faire mieux, et moi non-plus. Mon ex-épouse n’est pas une personne méchante. Notre divorce fut très amical.

Serions-nous resté ensemble si nous avions su que j’étais autiste? Très difficile à dire. Sa mentalité était plutôt figée, et nous aurions peut-être finalement divorcé de toute façon, peut-être même plus tôt que ce qu’on a fait. Même sans le diagnostic d’autisme, je lui ai bien expliqué qu’elle devait être explicite avec moi, mais ça n’a pas marché. Alors, je ne sais pas.

Une chose est sûre, sa demande que je remarque ses regards furieux, c’était pratiquement une demande que je me fasse pousser un tentacule dans le milieu de mon front. Mission impossible. Lui demander d’être explicite avec moi, à son âge — elle avait 20 ans de plus que moi — aurait peut-être été une tâche aussi absurde. Je ne sais pas.


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2 réponses à “L’autisme fut-il un facteur dans mon divorce?”

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