Comment écouter sa souffrance sans jugement, ou un désir de rectifier quoi que ce soit.
Pour Adeline,
Voici ce qu’il vous faut faire. Vous devez seulement être là pour écouter sa souffrance, sans jugement, ou un désir de rectifier quoi que ce soit. Bonne journée.
Mais pourquoi êtes-vous encore ici? J’ai fini. Je vous ai dit ci-dessus comment il faut faire. Ouste, mécréant!
Toujours ici?
Bon, bien, je crois qu’il va me falloir expliquer en long et en large.
Lisez cet article. Lisez-le entièrement. Réfléchissez. Notre voyage ne sera pas tout plein de fleurs et de mignons lapins. Néanmoins, pour l’amour de votre camarade, faites attention à ce que j’ai à dire.
Je veux commencer avec ceci. Votre camarade n’a pas décidé un jour d’attraper un cancer. Oui, cela est tout simplement arrivé. N’essayez pas de trouver une raison pour laquelle ceci est arrivé. Même si, par une chance quelconque, vous pouvez trouver une cause. Peut-être fumait-iel? Bannissez cette pensée de votre esprit. Personne ne commence à fumer en pensant que sa récompense serait le cancer. Il est plus important de réaliser que cette pensée ne vous aidera pas à être um bon·ne camarade. Par contre, si vous désirez être um mauvais·e camarade, alors ne vous dérangez pas pour « aider. » Votre aide ne sera pas la bienvenue.
Un diagnostic de cancer est habituellement un événement qui génère de l’anxiété et peut-être de la dépression. Je dis habituellement parce qu’il y a toujours la possibilité d’une licorne, ou d’un drôle de type. Je fus l’un de ces drôles de type. Quand j’ai eu mon diagnostic de cancer, mon corps était en train de s’éteindre peu à peu. J’étais en train de mourir, mais je ne savais pas pourquoi. J’étais sur le point de quitter notre planète, mais je n’avais pas de plan d’attaque. J’étais sans espoir. Mon diagnostic m’a donné ce plan d’attaque dont j’avais désespérément besoin. Si je n’avais pas été diagnostiqué in extremis, je serais aujourd’hui mort. Je suis maintenant presque trois ans en rémission. Néanmoins, j’ai quand même subi l’anxiété et la dépression. Pour la plupart des gens, un diagnostic de cancer leur rappellera que leur vie va, un jour, finir.
Si votre camarade n’a que récemment obtenu son diagnostic, il peut y avoir une variété de traitements qui peuvent lui être proposés. Certains cancers sont traitables avec des pilules. Certains cancers nécessitent une chirurgie. Certains cancers nécessitent la radiothérapie. Certains la chimio. Ou bien quelque chose d’autre. Certains nécessitent une combinaison de ces procédures. Les gens disent que certaines procédures sont plus faciles que d’autres. Ma chimio et ma greffe de cellules souches ne furent pas aisées. Il a fallu me tester pour s’assurer que je n’allais pas mourir durant ma greffe, tellement ce traitement est difficile. Peu importe la procédure, il y aura de l’anxiété, et peut-être de la dépression.
Les traitements pour le cancer sont innombrables. Je souhaite tous les apprendre.
Non, il n’est pas nécessaire de tout apprendre.
Il me faut approcher le sujet de la mort. Ceci pourrait bien être le dernier bout de route de votre camarade sur cette planète. Ça fait penser, non? Une jeune fille dans la vingtaine est morte pendant que je l’aidais. Son traitement n’était pas simple, à cause des allergies qu’elle avait, et à cause du type de cancer qu’elle avait. J’ai aussi aidé la fille d’une femme de 68 ans. Cette femme avait exactement le même cancer que j’ai réussi repousser. Cependant, elle n’a pas survécu à sa chimio. Elle n’aurait jamais été capable de survivre à la violence d’une greffe de cellules souches. Néanmoins, la médecine avance tout le temps. Il y a 33 ans, je serais mort de mon cancer. Il n’y avait pas de traitement. Il y a 13 ans, le traitement était encore expérimental. La médecine avance définitivement.
Votre camarade soufrera pendant son cheminement à travers le cancer. Une partie de cette souffrance sera mentale, comme l’anxiété et la dépression. Une partie de cette souffrance sera physique. Les effets secondaires de son traitement peut causer toutes sortes de problèmes. Dans mon cas, j’ai vomi et j’ai chié dans mes couches.
« Des couches? »
Bien oui! Je ne voulais pas chier dans mon lit et demander à l’infirmière de le changer en plein milieu de la nuit. Ce que je vous dis ici n’est même pas toute l’histoire, mais ça devrait être assez pour vous faire réaliser que le futur ne sera peut-être pas rose.
Que faites-vous quand votre camarade exprime sa souffrance? C’est extrêmement simple: vous écoutez. Vous écoutez sans jugement, ou un désir de rectifier quoi que ce soit. Il n’y a pas de meilleur cadeau pour votre camarade que cette capacité d’écouter sans jugement, et sans désire de rectifier quoi que ce soit. Cette capacité d’écouter sans jugement est un cadeau de valeur immesurable. Voyez-vous, je crois que la plupart des problèmes que les gens rencontrent quand iels essaient d’être là pour um camarade est qu’iels veulent rectifier les choses. Quand vous faites ceci, vous arrêtez d’écouter sans jugement.
Habituellement, ce désir de rectifier les choses est un rejet de la souffrance de votre camarade. Vous êtes inconfortable devant sa mauvaise humeur, ou ses larmes. Peut-être cette souffrance vous rappelle-t-elle que votre propre vie est limitée. Cette mauvaise humeur, ou ces larmes, ne sont que les symptômes de ce qui se passe avec votre camarade. Néanmoins, faisant face à ces symptômes, vous décidez de vous en occuper. Vous dites à votre camarade de relaxer, ou bien, vous parlez de ceci ou cela, tout en ignorant la souffrance très réelle qu’iel exprime. Vous ne pouvez plus être um vrai·e camarade. Que non! Vous vous révélez n’être là que pour soulager une certaine culpabilité. Vous vous révélez n’être nominalement qu’um camarade.
Ou bien, vous suggérez qu’iel devrait trouver le bon côté des choses dans leur situation. Après tout, son traitement, ce sont seulement des pilules. Iel pourrait passer plus dur moment. S’il vous plaît, ne minimisez pas les difficultés qu’iel éprouve. Ne faites qu’écouter. Peut-il y avoir un bon côté des choses? Oui. Par contre, ce n’est pas à vous de dire à votre camarade quel est le bon côté des choses, ou s’il existe tout court. Le bon côté des choses peut ne pas se révéler longtemps après le traitement. Mon bon côté des choses s’est révélé un an et demi après mon traitement. M’enquiquiner pour que je voie le bon côté des choses plus tôt ne m’aurais pas rendu heureux.
N’essayez pas de prédire le futur. Je pense que même exprimer de l’espoir est dangereux. « J’espère que tu vas bien » peut-être problématique si votre camarade ne va pas bien, et qu’iel anéanti votre espoir. Ne dites définitivement pas que tout va bien se passer. Vous ne savez pas quelles épreuves iel doit rencontre avant que tout soit résolu. Il se peut que tout ne soit pas complètement résolu après son épreuve. J’ai encore à composer avec le cerveau de chimio, et ça sera comme ça jusqu’à ma mort. Ceci est seulement un effet d’avoir reçu mon traitement. Si votre camarade rogne, laissez lae rogner.
Si vous avez votre propre expérience du cancer et que vous avez survécu, vous pouvez partager votre expérience avec votre camarade. Dans la plupart des cas, votre expérience sera la bienvenue. Par contre, vous devriez toujours écouter votre camarade et comprendre ses besoins. Peut-être que maintenant n’est pas le bon temps de lui parler de votre expérience.
Si vous voulez faire quelque chose de concret pour votre camarade, ne lui dites pas que vous feriez n’importe quoi pour ellui, pour obtenir une réponse que vous rejetez. En plus, soyez sûr de coordonner avec les autres qui veulent aider pour éviter de dupliquer les efforts inutilement. Si tout le monde amène un repas, et il y a plus de bouffe que ce que votre camarade peut utiliser, vous avez seulement créé un mal de tête pour ellui. Ce mal de tête peut être encore plus prononcé pour les autistes. J’aime optimiser ma bouffe pour éviter le gaspillage. Si on me met dans une situation dans laquelle de la bouffe sera gaspillée, je ne serai pas heureux.
Peut-être que faire la lessive serait une meilleure offre, mais soyez sûr que votre camarade le veuille. Certaines personnes ne voudront peut-être pas que vous fouillez dans leurs sous-vêtements, par exemple. Le point ici aussi est d’écouter votre camarade. Y a-t-il un besoin qu’iel a exprimé. Je vous rappelle aussi que d’écouter sans jugement est un cadeau de valeur immesurable. Je dirais aussi que les gens capables d’écouter sans jugement sont incroyablement rares. Peut-être votre camarade n’a pas besoin de plus que ça.
« Attendez un peu. N’avez-vous pas dit qu’on ne devrait pas avoir un désir de rectifier quoi que ce soit? »
Oui, je l’ai dit. Je vais expliquer. Le problème est quand avant même d’avoir rencontré votre camarade, vous commencez à concocter des idées sur ce que vous ferez. Ceci n’est pas utile. Vous ne savez pas ce dont votre camarade aura besoin. Laissez lui prendre le devant et vous dire ce qu’iel veut explicitement ou implicitement. Il vous sera alors possible d’agir selon ce qu’iel vous a dit. C’est quand vous préméditez ce que vous allez faire pour votre camarade que vous tomber habituellement dans le pétrin.
De plus, vous devriez vous rappeler de prendre soin de vous. Ne faites pas un burnout pour essayer d’aider um camarade. Sinon, votre humeur va probablement en pâtir, et vous ne serez plus capable d’écouter. Vous voudrez éliminer les symptômes de souffrance de votre camarade, et vous commencerez à lui lancer des slogans à propos du bon côté des choses, etc. Vous vous retrouverez à n’être nominalement un camarade. Si vous êtes fatigués, il est mieux de vous retirer de la situation pour un bout de temps plutôt que de vous imposer sur votre ami.
Je conclus en disant qu’il y a toujours des exceptions. Vous pouvez vous retrouver avec quelqum qui veut que vous fassiez son repas, etc. Mais toujours la solution est d’écouter sa souffrance, sans jugement, ou un désir de rectifier les choses. Peut-être ferez-vous des erreurs. Excusez-vous, allez de l’avant, et laissez tomber ces erreurs. Si vous commencez à accentuer votre culpabilité, vous mettez l’accent sur vous-même. Ne faites pas ceci.
J’espère que mon article a été utile, et que vous puissiez donner le cadeau d’une vraie amitié à votre camarade.
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