Ce qu’on appelle le soi n’est pas aussi solide qu’on voudrait le croire.
Cet article traite de cette chose que l’on appelle “le soi.” On a tendance à penser au soi comme une chose solide. Je crois que cette croyance est erronée. Je ne crois pas être original avec ma proposition que cette croyance est erronée. En fait, je crois que la plupart de mes arguments ici ont déjà été faits. Je vais même citer Dogen Zenji dans mon argumentation. Cependant, si seulement une personne obtient un esprit plus clair grâce à ce que je vais dire ici, alors l’écriture de cet article aura été bénéfique.
Cet article va utiliser des comparaisons. Gardez en tête que les comparaisons sont, au bout du compte, des comparaisons. L’objet avec lequel quelque chose est comparé n’est pas la chose même.
Les types de savoir
Examinons premièrement les façons avec lesquelles on peut connaitre le monde. Le savoir intellectuel est un bel outil, mais il est aussi un savoir superficiel. Supposez que je veux apprendre à jouer au tennis. Je peux lire des livres et apprendre ainsi comment jouer au tennis avec une exactitude approfondie. Il en reste que même si je lis tous les livres sur le tennis de par le monde, ça ne me rendra pas un bon joueur de tennis. Pour être un bon joueur, je dois en fait jouer au tennis. C’est ici que ma carrière comme joueur de tennis s’arrêterait. Je peux lire des livres et apprendre les règles de n’importe quel sport, mais je ne suis pas assez habile pour devenir un joueur.
Mon exemple de tennis suggère un deuxième type de savoir: le savoir expérimental. Vous devez avoir de l’expérience à jouer au tennis pour pouvoir le jouer bien. On pourrait même dire que le savoir expérimental est plus déterminatif de votre habileté à jouer au tennis que le savoir intellectuel. En fait, on peut même aller plus loin et déclarer que le savoir intellectuel du tennis peut s’avérer être un obstacle contre la perfection de votre habileté. Il est facile de comprendre intellectuellement ce que quelqu’un nous dit. Par contre, il est aussi facile comprendre incorrectement un conseil et de perdre du temps à composer avec notre erreur.
Il y a un troisième type de savoir. Ce type est une sorte de savoir expérimental, mais il est plus profond que le savoir expérimental. J’appelle ce savoir “savoir dans vos os.” (Encore une fois, je ne suis pas original avec cette appellation.) Voici un exemple de quelque chose que nous savons dans nos os: la gravité. Vous n’avez pas besoin de vous faire enseigner la théorie sur la gravité pour savoir comment la gravité opère sur votre corps. La gravité est toujours là, se dévoilant à vous. De plus, vous n’avez pas besoin de pratiquer la gravité. Vous pouvez toujours pratiquer comment marcher sans tomber, mais ceci n’est pas une pratique de la gravité même. Nous savons littéralement la gravité dans nos os.
Il est important de permettre à ce dernier type de savoir de s’épanouir. Vous pouvez écouter les sages, les philosophes, ou les illuminés parler, et vous pouvez comprendre leurs mots de façon intellectuelle. Il en reste que ce savoir intellectuel est superficiel. Il y a plusieurs aspects de la vie qu’il faut pénétrer plus profondément pour réaliser dans vos os ce dont ces sages, ces philosophes, ou ces illuminés parlaient.
Comment le soi se manifeste dans le monde est l’un de ces aspects. Malheureusement, je dois utiliser des mots, et donc le savoir intellectuel pour mettre le doigt sur une chose qui ultimement dois être su dans ses os. Ne prenez pas mes mots pour le phénomène qu’ils décrivent.
Un phénomène vibratoire
Quelque chose m’est apparu clairement durant une séance de méditation récemment. Le dicton de Descartes “Je pense, donc je suis,” c’est de la foutaise. Voici un meilleur dicton “Tout le reste se produit, donc je me produis.” Je crois que même ce dicton-ci n’est pas parfait, mais il est définitivement mieux que celui de Descartes.
Quand les gens pensent au soi, la plupart l’approche, du moins au début, comme une chose d’une manière quelconque, unitaire et séparée du reste du monde. J’ai mon soi ici. Vous avez votre soi là. Ils ne se mélangent pas. Nos corps sont séparés de nos sois. Ainsi, plusieurs attitudes face au soi considèrent que le soi existe indépendamment du corps. Ces attitudes considèrent aussi que le soi existe éternellement et immuablement.
Par contre, si on examine le soi, nous trouvons que tout ce que nous lui attribuons est, de l’un, instable. Les pensées viennent l’une après l’autre. Le monde qui change tout le temps frappe à nos sens, et ainsi de suite. Le soi ne fait que répondre à son environnement. Donc, l’existence même du soi est dépendante sur des choses qui lui sont externes.
Je vais expliquer d’une manière différente: ce que nous appelons le soi se manifeste dans le monde seulement dû à des facteurs externes ou dû à des choses que nous n’appelons pas un soi. C’est ici que les vibrations entrent en jeu. Imaginez la chaine entière de causes et effets qui se produisent dans le monde comme étant autant de vibrations qui sont émises. Ces vibrations interagissent et se frappent l’une à l’autre. Nous, les êtres humains, examinons une configuration spécifique de ces vibrations et nous appelons ceci un soi. Pas de problème, du moment que nous n’oublions pas que ce soi n’est autre chose que des vibrations, et que ces vibrations rendent le soi possible.
Il est peut-être utile d’illustrer ce dont je parle d’une manière plus concrète. Il y a beaucoup de vidéos sur YouTube montrant des personnes qui jouent avec des vibrations. Cependant, je vous invite à regarder le vidéo suivant.
Alors que Colin joue avec les fréquences, vous pouvez voir que le fluide non-Newtonien (la substance blanche) qu’il a créé commence à prendre des formes complexes. L’important ici est que ces formes auxquelles nous pouvons pointer, comme le soi auquel nous pouvons pointer, existent seulement grâce à des causes externes. Ces formes n’existent pas intrinsèquement dans le fluide avant que les vibrations qui les révèlent.
Je pense que c’est à ceci que Dogen Zenji a pointé quand il disait:
Étudier la voie du Bouddha c’est s’étudier le soi. Étudier le soi c’est oublier le soi. Oublier le soi c’est être éveillé par les dix mille choses. Quand on est éveillé par les dix mille choses, votre corps et esprit ainsi que les corps et esprits des autres sont abandonnés. Il ne reste aucune trace d’illumination, et cette non-trace continue sans fin.
Ces dix mille choses sont ce qui rend le soi possible. Sans ces dix mille choses, nous ne pourrions pas pointer au soi. “Tout le reste se produit, donc je me produis.” Dogen l’exprime mieux que moi, par contre, parce que quand vous comprenez son adage dans vos os, la dualité entre le soi et le monde disparait. Quand cette dualité disparait, l’anxiété qui surgit du fait de voir le monde comme étant “moi contre les autres” disparait aussi.
Même si vous arrivez à savoir ceci dans vos os, votre travail n’est toujours pas fini.
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