Ce qui ne vous tue pas ne vous rend pas plus fort

La réalité est beaucoup plus complexe que ce que l’adage vous ferait croire.

Le malheur m’a visité fréquemment. Tellement, que si l’adage était vrai, je serais bien évidemment Superman. Hélas, je ne suis pas Superman. Le malheur m’a presque tué. Il a eu un effet bénéfique sur moi, mais cet effet n’a pas été de me rendre plus fort. Au mieux, je dirais qu’un certain malheur peut forger le caractère, mais le résultat n’est pas du tout garanti. C’est plus aléatoire, et sans résultat garanti.

L’idée que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort semble évidemment vraie pour les gens qui examinent des processus biologiques, mais qui ne comprennent pas ce qu’ils examinent. Il est possible de mener des expériences dans lesquelles un agent délétère à l’encontre d’un organisme est introduit. Certains individus survivront, et ainsi, on déclare que l’agent à de quelque manière modifié ces individus pour qu’ils survivent à l’agent. Ceci est faux.

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Par exemple, vous soumettez des coquerelles (des cafards) à la radiation. La plupart meurent, mais certaines d’entre elles survivent, et donc vous déclarez que la radiation a rendu les coquerelles qui ont survécu résistantes à la radiation. Ceci est une erreur d’interprétation. Le fait est que les coquerelles qui ont survécu avaient dans leurs gènes une mutation qui les rendaient plus résistantes, et cette mutation existait avant votre expérience.

Un phénomène semblable arrive avec les antibiotiques. Un antibiotique ne modifie pas les bactéries pour résister à l’antibiotique. Ce qu’il fait est simplement de tuer les bactéries qui n’ont pas la mutation qui leur permet de survivre à l’antibiotique. Cette mutation existait avant l’introduction de l’antibiotique. La résistance à l’antibiotique nait, non pas parce que l’antibiotique a modifié les bactéries, mais parce que les bactéries qui ont survécu ne doivent plus faire la compétition avec les bactéries qui sont mortes.

Un autre phénomène qui peut faire penser aux gens que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort est la thérapie d’exposition. Cette thérapie est faite pour les gens qui ont des phobies. La thérapie les met dans des situations contrôlées dans lesquelles ils sont exposés à ce qui déclenche en eux la peur. Au cours du temps, ils apprennent à composer avec leur peur, et peuvent être en présence de la chose qui les effraie sans paniquer. Donc ce qui ne les tue pas les rend plus forts. Pas vrai?

Pas si vite. J’ai mentionné ci-haut qu’ils sont mis dans des situations contrôlées. Prenons le cas d’un arachnophobe. La première étape pourrait être de lui faire imaginer des araignées, et de lui faire décrire ces araignées. L’étape suivante pourrait être d’avoir une araignée artificielle avec lui dans la même pièce. Le point ici est que vous procédez étape par étape, en augmentant avec chaque étape le degré d’exposition. Vous n’enfermez pas cette personne dans une pièce avec une tarentule, et espérez que ça va bien se passer.

Ceci est un est une façon dont l’adage que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort faillit souvent. La personne qui doit faire face à ce malheur doit être prête pour le type de malheur qui lui soit jeté à la figure. Si cette personne n’est pas prête, le malheur pourra très bien l’écraser plutôt que d’avoir un effet bénéfique quelconque sur elle. Quand j’ai eu ma crise cardiaque, quand j’étais dans la jeune vingtaine, ceci fut le premier gros morceau de malheur qui m’ait été lancé au visage. Je ne l’ai pas bien reçu. Il m’a fallu prendre des médicaments anti-anxiété et avoir de la thérapie pour m’en sortir. Je croyais que ma vie était effectivement finie. J’ai maintenant 51 ans. Ma vie était loin d’être finie.

Quand j’ai eu mon cancer vers la fin de ma quarantaine, mon expérience avec ma crise cardiaque m’a aidé à composer mieux que quand j’ai eu ma crise. Ce cancer m’a presque tué, et je savais qu’il était en train de me tuer quand j’ai eu mon traitement. Oui, il m’a encore fallu prendre des médicaments anti-anxiété et avoir de la thérapie. Néanmoins, j’ai composé avec ceci bien mieux que quand j’ai eu ma crise cardiaque. Ma crise était un point temporel. Mon cancer s’est déroulé pendant plusieurs années. Les premiers symptômes ont commencé au début de 2020. Mon traitement s’est déroulé jusque dans 2021. Je suis encore en convalescence. Franchement, j’ai de la difficulté à imaginer comment j’aurai pu composer avec ce cancer dans la vingtaine. Je me serais peut-être suicidé, parce que je n’étais pas prêt à le confronter.

Vous pourriez dire que ma crise cardiaque dans ma vingtaine a causé une mutation dans mon esprit. Il n’y avait aucun but dans cette mutation, mais elle a eu l’effet de me préparer pour plus de malheur quand j’ai eu mon cancer. Un autre agent qui a causé une mutation dans mon esprit est ma pratique de la méditation Zen. Mon cancer est arrivé après vingt-cinq ans de pratique. Personne ne commence à pratiquer le Zen avec l’idée qu’un jour, elle sera plus capable de composer avec son cancer, mais c’est ce qui est arrivé pour moi. Le fait est que mon esprit a reçu une mutation qui l’a aidé à composer avec mon cancer, avant que mon cancer ait commencé.

Non, ce que le malheur a fait pour moi n’est pas de me rendre plus fort, mais de me rendre plus doux, and de me rendre plus gentil face à tout le monde. Oh, je suis capable de me fâcher, et ça arrive quand quelqu’un appuie très fort sur les bons boutons. Par contre, les multiples liaisons romantiques que j’ai eu depuis le divorce de mon ex-épouse ont démontré, très clairement, dirais-je, que je suis maintenant un homme plus patient et gentil qu’auparavant. Je suis capable d’écouter, avec compassion, ce que mes partenaires me disent, que ce soit plaisant ou déplaisant. Ma plus importante préoccupation est leur bonheur et leur bien-être.

Vous pourriez dire que le malheur forge le caractère, mais, encore une fois, les résultats ne sont pas garantis. Faisant face au malheur, certaines personnes maintiennent que le malheur auquel ils ont dû faire face devrait opprimer les personnes qui leur suivent.

Tu prends des pilules pour ta chimio? Tu sais, dans mon temps…

Oui, certaines personnes ont une chimio en forme de pilules. Je suis jaloux d’eux parce que ma chimio m’a demandé d’être hospitalisé pour chaque séance. Néanmoins, je ne suggérerai jamais que quelqu’un qui peut avoir des bons résultats avec des pilules devrait endurer ce que j’ai enduré. En fait, j’espère qu’un jour, ma chimio sera administrée avec des pilules, chez soi, sans avoir besoin d’hospitalisation. Encore une fois, les résultats que vous pouvez obtenir du malheur sont loin d’être garantis. Certaines personne devient des trous de cul. Je suis devenu plus gentil et plus doux.

Ceci n’est pas ce dont les gens pensent quand ils déclarent que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Ils ne pensent pas que ça puisse rendre doux, patient et gentil. Pour ma part, il en reste que je préfère une douceur additionnelle plutôt qu’une force additionnelle.

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