La raison pour laquelle dire « Tout le monde est un peu autiste » est nocif

Je vais vous expliquer pourquoi cette phrase et ses proches sont nocifs à l’encontre des gens vraiment autistes.

Je parlais récemment avec quelqu’un et je lui disais être vraiment autiste. Sa réponse était que nous sommes tous neurodivers. Autrement dit, mon cas n’est pas du tout spécial, et je devrais fermer ma gueule.

L’affirmation que nous sommes tous neurodivers est le proche de l’affirmation que nous sommes tous un peu autistes. C’est une arme déployée par les gens qui veulent minimiser les combats des autistes. Prima facie, le fait que votre cerveau n’est pas le même que mon cerveau prête fois à la notion que nous sommes tous neurodivers. Il est par contre toujours vrai que, pour certains d’entre nous, l’effet de l’autisme est tel que nous devons dans notre vie faire face à des difficultés spéciales, dû à la manière dont notre cerveau est structuré.

Je vais vous donner une série d’exemples démontrant comment cette position est stupide.

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Prenons le cas de la cécité. Certaines personnes ne peuvent pas du tout voir quoi que ce soit. Je ne pense pas avoir rencontré quelqu’un qui était aveugle de cette manière. Par contre, j’ai eu la fortune d’avoir deux amis qui étaient partiellement aveugles. Je me rappelle que l’un d’entre eux était capable de regarder les gens s’il vous regardait de biais. La première fois qu’on le rencontrait, sa façon de vous regarder semblait bizarre, mais on s’y habituait vite. Mon autre ami avait un problème différent avec sa vision. Je ne me rappelle plus c’était quoi exactement. Par contre, tous les deux risquaient de se cogner sur les choses s’ils étaient imprudents. Ils étaient quand même capables de lire un livre s’ils utilisaient une machine pour agrandir le texte. Enfin, il y a les gens comme moi qui ont besoin de lunettes pour lire.

Supposons maintenant que quelqu’un qui est comme mes amis viennent à moi et me dise “Bordel! Cette cécité est vraiment gênante. Je me cogne sur les choses tout le temps. J’ai besoin d’une machine pour agrandir le texte quand je veux lire des livres. Les sites web A, B, C, D ne sont pas conçus pour les gens qui sont aveugles.” Serait-il bien pour moi, qui ne porte que des lunettes, de répondre “Bien, tu sais que nous sommes tous un peu aveugles. Ne t’en fais pas.”

Quelle réponse merdique!

Pendant mon cancer, j’ai effectivement été fonctionnellement aveugle pendant un certain temps. Je pouvais encore voir des choses, mais au pire de cet évènement ma vue était toute brouillée et double. Il m’était impossible de lire. À chaque fois que je voulais utiliser mon téléphone cellulaire, je devais me rappeler où étaient les choses que je voulais utiliser et je devais naviguer en reconnaissant les images. Si quelque con s’était pointé pour me dire que tout le monde est un peu aveugle et que je devrais donc être cool, il aurait probablement mangé une baffe.

Je suis aussi partiellement sourd. Serait-il bien que quelqu’un déclare que nous soyons tous un peu sourds? J’ai une difficulté immense à entendre la voix quand je suis dans un environnement bruyant. Je n’avais pas l’habitude d’avoir cette difficulté plus jeune. Je me rappelle quand j’étais un candidat au baccalauréat, j’allais dans des clubs qui jouaient une musique bruyante et d’avoir à crier plus fort que la musique. Je n’ai pas toujours eu cette difficulté. Avec vous vous aussi de la difficulté comme moi? Si vous n’en avez pas, vous ne pouvez surement pas venir à moi pour me dire que nous sommes tous un peu sourds.

Il y a un phénomène similaire avec la santé mentale. Quelqu’un dit qu’il est déprimé. Non, pas seulement triste. Il est déprimé. Quelqu’un d’autre réplique que nous sommes tous un peu déprimés. Quelle réponse merdique! J’ai connu des gens qui étaient déprimés dû à des déséquilibres chimiques dans leur cerveau. Ma mère était l’une de ces personnes. Il n’y avait rien à faire pour la faire sortir de sa dépression. Il nous fallait attendre que l’orage passe.

J’ai moi-même eu l’expérience d’une dépression causée par un déséquilibre chimique. Mon médicament anti-reflux a fait son travail correctement pendant plus d’un an. Néanmoins, à un moment donné, j’ai développé un nouvel effet secondaire causé par ce médicament: la dépression. J’ai trouvé la cause moi-même et j’ai arrêté de prendre ce médicament. J’ai eu un rebond de mon reflux, mais ma dépression est partie. Quel bien aurait-ce fait de venir à moi pour me dire de me grouiller le cul parce que nous sommes tous un peu déprimés.

On peut aussi prendre l’anxiété comme un autre exemple. Bien entendu que nous connaissons tous la peur. Bien entendu que l’on a tous des papillons dans notre estomac quand nous nous retrouvons dans certaines situations. Pour certains d’entre nous, par contre, l’intensité et l’omniprésence de l’anxiété peut être débilitante. J’ai subi des attaques de panique deux fois dans ma vie. J’ai dû prendre du Xanax pour contrer ces attaques. Il n’y avait pas d’autre solution. Mon corps percevait un danger qui n’existait pas dans le monde. Venir à moi pour me dire que nous sommes tous un peu anxieux n’aurait pas été utile. La personne qui aurait fait ça aurait dit ça seulement pour ignorer le problème très réel auquel je faisais face.

Après mon cancer, je subis maintenant une paresthésie causée par l’anxiété. Simplement dit, je sens des fourmis dans mes jambes que je suis anxieux. Des fois, je ressens cette paresthésie quand je ressens une anxiété sociale durant des événements sociaux, ou des fois, je la ressens quand je parle avec quelqu’un qui est générateur d’anxiété en moi, quand cette personne et moi parlons au téléphone. Je n’avais pas l’habitude de me sentir comme ça, mais maintenant, c’est comme ça. Me dire que tout le monde est un peu anxieux est inutile.

Notez que dans le cas de la cécité et de la surdité, il y a des tests clairs qui peuvent être exécutés pour déterminer à quel degré quelqu’un est aveugle ou sourd. Dans le cas des maladies mentales, les tests ne sont pas aussi clairs. En fait, je crois que dans le cas des maladies physiques, il y a peu de gens qui voudraient minimiser les difficultés auxquelles les gens aveugles ou sourds doivent faire face. Par contre, dans le cas des maladies mentales, les patients sont une cible acceptable.

L’affirmation que tout le monde est un peu autiste est une tentative de minimiser les problèmes dont les autistes faire face tous les jours. Il est vrai que les autistes n’ont pas à faire face exactement le même ensemble de problèmes, mais il n’en découle pas qu’ils n’ont pas de problèmes qu’ils doivent résoudre.

S’il vous plait, ne nous soumettez pas à votre opinion merdique!